Hier matin, je me suis réveillée avec une grosse boule d'angoisse dans la gorge. Il fallait que je fasse quelque chose pour me secouer et passer au travers ma journée. La vieille, j'avais reçu un appel du centre que fréquente mon père les mardis p.m. comme quoi ils n'avaient toujours pas reçu son baptistère, que c'était important, etc...
Ceux qui ne me connaissent pas, sachez que je suis aussi la maman de deux enfants qui fréquentent deux centre de réadaptation, que je travaille et que j'essaye de faire de mon mieux avec mes ressources et mon énergie. Mais, des fois, même souvent, je perds le fil!
Donc, je me suis rapidement sentie coupable, un peu plus et je m'attendais à recevoir un devoir supplémentaire. Depuis quelques jours, je faisais des démarches pour ce fameux papier, mais quand la personne pour qui ont fait les demandes ne sait plus où elle est née et où elle a été baptisée, ça complique les choses.
J'ai fait une demande selon ses recommandations, mais finalement, même après des recherches élargies, j'ai dû accepter que je m'étais trompée de ville. Il me restait donc à essayer du côté du certificat de naissance. Mais, encore là, ce fut très compliqué et choquant comme démarches.
Premièrement, j'ai rapidement trouvé le lien sur internet, mais on ne peut pas vraiment faire une demande pour un autre adulte, même son père qui perd ses mots et ses repères. Deuxièmement, on peut contourner un peu le système en faisant une demande au nom de son père, mais ça prend le numéro d'assurance sociale et des informations qu'on trouve sur l'avis de cotisation et/ou du rapport d'impôts. !?!
Ok! Et moi, je les trouve où ces informations? Troisièmement, il y a les coûts reliés à la démarche, peut-on payer avec une carte de crédit au nom d'une autre personne? Est-ce que je commence à noter les dépenses faites pour mon père? Ou je me décide à utiliser ma nouvelle carte de guichet pour retirer des sous dans son compte pour payer ma dépense faite pour lui?
Et là, sentez-vous la boule vous aussi?
Bref, suite aux bons conseils d'une amie, je me suis présentée chez lui à 8h00 avec deux cafés et deux sandwichs de chez Tim pour des fouilles archéologiques. Premier constat, il est habillé, propre et sa maison est en ordre. Deuxième constat, il lève le nez sur mes trésors et préfère son café et son p'tit bol de céréales alors qu'avant, je n'aurais pas eu le temps de m'asseoir qu'il aurait déjà mordu à pleines dents dans son sandwich...
Piteuse, je me suis assise avec mes deux grands cafés (j'en avais déjà un dans le corps) et j'ai pris le temps de souffler, d'essayer de faire la conversation, d'observer et d'expliquer ce que je faisais là. J'avais apporté avec moi des documents à compléter au cas où je ne trouverais aucun papier. Puis, j'ai annoncé à mon père que je devais trouver ces papiers et que j'étais pour aller chercher dans sa chambre.
Ouf! Pas facile d'ouvrir un tiroir quand depuis que tu es petite, tu sais que c'est un sacrilège que d'entrer dans son intimité. J'ai retrouvé des choses qui remontaient à ma petite enfance et même avant ma naissance. Mon père a tout gardé: toutes les factures, tous les baux, tous les papiers d'assurances, de placements, d'hypothèques, de prêts, de blagues grivoises, les brochures de voyage, les manuels d'instructions, etc...
Tout est ordonné, regroupé, classé, mais je ne sais pas de quelle façon. Pas évident, il est grand temps que je classe mes propres choses. Finalement, j'ai retrouvé les papiers d'impôts, et après une bonne grosse heure dans la poussière et les souvenirs, j'ai trouvé ces derniers passeports et surtout, un beau certificat de naissance. Si vous saviez la joie, la fierté qui s'affichaient dans mon visage, j'étais belle à voir et mon unique spectateur me regardait comme si je débarquais d'un autre monde.
Ensuite, j'ai fait plusieurs appels pour lui. Il est mélangé, il ne comprend pas ce que j'essaye de lui dire, à chaque fois, il me demande de parler lui aussi aux gens et il répète la même histoire. Il veut une carte de l'hôpital Notre-Dame, il a celles de St-Eustache et de Cité de la santé, mais pas de Notre-Dame (mais, à part son IRM, il n'a pas à y aller). De plus, il demande de passer des tests pour sa gorge (parce qu'il a de la difficulté à parler) et son bras (pcqu'il manque de force dans son coude). Je remercie les personnes qui ont écouté mon père avec patience et empathie.
J'ai essayé quelques fois, de différentes façons, de le rassurer, de lui dire que pour son bras, il devait se faire opérer au poignet (non, non! Pas le poignet, c'est mon bras!) et que pour sa gorge, nous attendions une évaluation en dysplagie, mais que cela ne pourrait pas l'aider à mieux parler malheureusement. Puis, j'ai lâché prise... Le temps passait, mon fils avait un r.v et je devais aller le chercher.
Je suis repartie avec deux nouvelles clés de sa demeure, en lui promettant de lui rapporter le fameux papier, le plus vite possible. Curieusement, même si quelques minutes plutôt, il avait complètement oublié son existence, le certificat de naissance était devenu extrêmement précieux à ses yeux et il hésitait à me laisser partir avec. J'ai noté mentalement où se trouvaient certains papiers et je suis finalement repartie, une boule de tresse en moins, mais plus triste.
Chaque visite me surprend, la maladie et l'état de mon père évoluent. C'est de pire en pire. Il est de plus en plus isolé dans son monde, ses manies, ses routines. Avoir une conversation cohérente avec lui relève du défi. Ça fait des échanges de plus en plus banals. Je suis en train de le perdre...