mardi 1 novembre 2011

Un jour, tu seras muet...


Je vis présentement une grosse peine d'amour. Mon premier homme, celui dont je porte le nom, est en train de perdre le sien...

Vendredi dernier, j'ai accompagné mon papa à une rencontre d'évaluation au centre de gériatrie de Montréal. Il avait un r.v. avec une neurologue spécialisée qui a été d'une grande patience et d'un non moins grand professionnalisme.

Ça n'a pas été facile. Dès notre arrivé, mon papa ne comprenait plus comment utiliser le système pour payer le stationnement. Après 5 minutes, je suis allée l'aider. Un peu timide, je n'osais pas intervenir avant.

Puis, à chaque fois que nous croisions une personne, mon papa lui demandait si elle n'était pas son neurologue. Autant à la cantine, que dans les ascenseurs ou les corridors, il répétait la même question. Sans même faire une discrimination visuelle, de façon très (trop) familière, du préposé à une autre médecin.

Notre journée fut longue, de 13h00 à 18h05, nous avons été en évaluation avec l'infirmière pour commencer, puis sa neurologue. Elle lui a posé mille questions, j'ai souvent dû prendre la parole, pour expliquer, ajouter ou aider mon papa à répondre.

Parfois, ses réponses me faisaient mal, à d'autres moments, je réalisais qu'un enfant de 7 ans aurait mieux fait, c'était une situation inhabituelle pour nous deux. Gênante aussi. À un certain moment, c'était trop et j'avais besoin d'une pause, de me réfugier pour laisser couler un peu mes larmes. Expirer.

Nous sommes repartis épuisés, avec des références en dysplagie, en orthophonie, en ergothérapie, en neuro-psycologie, en chirurgie, en imagerie médicale (IRM), etc... Le diagnostic de démence vasculaire a fait place à de l'aphasie primaire progressive. Mon père perd ses mots, bientôt, il ne sera plus capable de lire, d'écrire et de parler.

D'ici 3 mois, les évaluations devraient être commencées et nous allons rencontrer à nouveau la neurologue. D'ici 3 mois, je ne sais pas comment je vais faire pour accompagner mon père dans toutes ces démarches. Toutes sortes d'options me sont venues en tête depuis vendredi. Arrêter de travailler. Démissionner. Souhaiter qu'il puisse aller à la plupart de ses r.v. seul. Partager ma semaine entre les r.v. de mes enfants et mon père. Concilier travail-famille-handicaps-parents malades.. Demander de l'aide. Mais à qui?

Mon père n'a pas vraiment d'ami, une seule soeur qui reste loin, un fils en pleine séparation avec deux bébés sur la Côte-Nord et... MOI! Je suis dépassée, découragée et comment dire... Tannée! Je vois la charge émotive et de travail qui s'en vient et je ne sais pas comment je vais m'organiser. Je chercher encore.

Aujourd'hui, j'ai dû répondre à une question qu'il répète souvent depuis l'été dernier. "Est-ce que je vais devenir sourd? Est-ce que je vais devenir muet?" Oui, papa, un jour, tu seras muet. Mais, tu ne seras pas seul, je serais là.

Depuis, mon coeur saigne...

3 commentaires:

  1. Ça me rappelle bien des souvenirs tout ça. Des drôles, des tristes, des bons et des beaucoup moins bons.
    J'aurais aimé avoir pu lire un tel blog quand j'ai dû faire la demande du mandat d'inaptitude de mon père, quand je l'ai vu péricliter...
    Merci.

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  2. @Suzy Wong: tu me fais beaucoup de bien, je suis moi-même impressionnée par ce que tu fais de ton côté, tu sais!

    Ce qui s'en vient me fait peur... Je me rappelle aussi ce que tu as vécu. J'espère que c'est plus facile maintenant pour toi?

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  3. Mamanbooh,
    Pour moi et ma mère, ça l'est. Pour mes frangins, c'est plus difficile. Va savoir pourquoi !

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